L’art du nu puise sa source dans les origines de la peinture, et il est aujourd’hui, en dépit de ce qu’affirme les risibles fossoyeurs de la peinture, aussi vivant qu’à l’époque des cavernes, où les peintres rupestres du Tassili peignaient des archers nus comme des danseurs contemporains. L’amour du nu est inscrit dans les gênes de l’art, avec la série de ses mutations et de ses absences, et n’est pas prêt de disparaître. Après mes années d’apprentissage, j’ai longtemps peint des nus classiques ; de ces années d’approche, je n’ai nul regret : un savoir charnel est désormais logé dans le tréfonds de mes cellules. Cela n’était pourtant qu’un savoir. Puis j’ai commencé à explorer seul les voies du nu élémentaire, imbibé de pluie, traversé de vent et chargé de glaise. Mais c’est sous l’impulsion du peintre J-Y Guionet que je suis parti en quête du nu vital. Les nus de ce livre ont pour trait commun d’avoir été faits très vite et passionnément. Presque voracement. Pour la plupart, ils ont été réalisés dans son atelier, en présence de modèles admirables, en musique et en dansant. Chez Guionet, on fait des nus comme on se jette à l’eau : en y allant de toute sa personne et toute bouées abolies. Il faut tout miser sur les trente minutes de pause qui viennent. Les heures de nu furent là-bas des instants dionysiaques, de véritables transports. Je dois beaucoup à J-Y Guionet, accoucheur plus encore que professeur, ma libération de peintre, tant sur le plan du geste que celui de la couleur. Il est celui, par-dessus tout, qui m’a aidé à me dépouiller de mes corsets intellectuels pour entrer dans le vif du sujet : l’émotion première. A me défaire, mue après mue, de mes tabous. C’est grâce à lui que j’ai compris ce que je quêtais à travers le nu. L’énergie artistique dans son plus simple appareil : trait, couleur, matière.
Dès lors, afin de parvenir à cette incantation, j’ai fait appel à toutes mes ressources picturales : le poudreux de la craie sèche et les grandes eaux du lavis, le noir laqué de l’encre de Chine et les aplats mats de la gouache gonflées de pigments, lancés à corps perdu, dans une même recherche. Il n’est pas question ici de « technique mixte » ; le foisonnement du corps nu, qui est pour moi l’apogée du réel implique naturellement ce recours au couples de contraires : le sec et le mouillé, le chaud et le froid, le trait et la tache, la transparence et la matière.
Simon oct 2004

Le style n’est pas la répétition d’une audace mais l’indépendance que l’audace permet.

Il faut peindre non pas pour faire une œuvre mais pour savoir jusqu’où une œuvre peut aller.
Roland Barthes

La main ( le corps à l’œuvre) dit ce que les mots ne peuvent énoncer, elle ne ment pas, elle ne triche pas, elle révèle l’être, l’humanité, les artistes post-moderne( l’élite) détestent leurs mains.

L’artiste cherche, il ignore le chemin qu’il empruntera pour atteindre son but.

L’artisan, lui.emprunte des voies qu’il connaît pour aller vers un objet qu’il connaît également.
Pierre Soulage.

La peinture n’est pas un spectacle, ni illustration, ni décor elle est un langage.

La vie n’est pas ce que l’on a vécu mais ce dont on se souvient et comment on s’en souvient.
Garcia Marquez

L’artiste c’est un artisan qui insisté.

En quoi la médiocrité voulue serait elle plus intéressante que l’involontaire ?

Privilégier l’artiste par rapport à l’œuvre.
Nietzsche.

C’est le geste qui va plus loin que le regard car le geste sait le monde et tout se
passe comme s’il l’avait apprivoisé, intériorisé, avant de pouvoir le recréer.

Peindre l’expérience des choses que nous avons, plutôt que l’apparence des choses.
Sézanne

Ce qui importe c’est comment c’est peint et non pas ce qui est peint.
Arikha

Pour l’artiste aussi il est important de ne pas commencer sa réalisation par un concept, des pensées trop fortes, avec une intention très déterminée d’exprimer un message, des sentiments ; enfin tous les éléments qui pouraient être transmis par le langage ou la littérature.
Antonio Saura : « Parvenir à l’harmonie dans la dissonance, au contrepoint dans la fluidité, la dureté en même temps que la souplesse et intégrer le fragment d’ensemble, tel est la vraie tâche de la peinture, y compris le déséquilibre recherché qui se meut en équilibre inéspéré ou bien encore convertion surprennte des rythmes dominants en ensemble actif : tels sont les matières familières au peintre, mais sont dificiles à apprécier y compris par les bons observateurs. C’est bien là le problème : un tableau peut nous agresser, nous plaire, nous irriter, nous séduire ; nous pouvons même juger de l’oportunité de sont rayonnement, ou de l’hostilité qu’il suscite, de l’inutilité de sont intention, de la maladresse de sont resultat, mais une telle classification, et les conditionnements intélectuels qu’elles supose, sont perçus d’un seul coup ; a l’improviste au contraire d’autres arts où le processus s’opère graduellement dans le temps. La littérature et la musique son apréhendées par la conjontion de l’accumulation graduelle et de la persistence de la mémoire.
la peinture, donc se perçoit en un instant, surgissant dans toute son évidence, la possibilité d’une lecture amplificatrice ce faisant, non seulement par l’analyse et aussi, passivement, par une lente pénétration de son éssence. C’est sans doute au nom de sont caractère d’immédiateté sensible que tant de personnes s’autororisent à juger la peinture, compte tenue du moindre efort quelle senble exiger et de sa facilité apparente. C’est pourtant ignorer l’imbrication des résonances affectives contenues dans le moindre coup de pinceau, la somme de décsions vertigineuse qu’implique le moindre portion de toile, et la prédominance de sont processus d’exécution matérielle. Et elles ignorent que le tableau ne sa réalise pas par miracle comme sont apparente immediateté pourrait le laisser supposer, mais à travers un enchaînement complexe de gestes, de ruptures, de subtiles ou cruelles décisions, de ratures et de superpositions, conduisant inexorablement à sont inachèvement achevé. « 

L’art peut être le produit de l’esprit, de la raison, du rationnel. L’on a cru pendant longtemps que c’était aussi le résultat d’une âme, ce qui sous-entendait que ces esprits et ces âmes étaient aux naissances différentes, meilleures et même géniales. La véritable création, l’oeuvre d’art qui procure des émotions, et développe notre imaginaire, est la réalisation d’une intelligence sensible, construite par les émotions, fabriquée par un corps en recherche. Il n’y a pas séparation du corps et de l’esprit, sans le corps qui produit du sensoriel, sans nos sens qui nourrissent notre intelligence, il n’y a pas de création et nous ne pouvons réaliser d’oeuvre d’art touchant nos émotions.

Théorie de l’empathie : c’est la capacité de déceler l’émotion à travers les signes qui font sens pour tous les humains, le terme « empathie »a été crée en allemand pour désigner l’empathie esthétique, le mode de relation d’un sujet avec une œuvre d’art permettant d’accéder à son sens. C’est le processus par lequel un observateur se projette dans les objets qu’il perçoit.
« Découverte des neurones miroirs, la reconnaissance de nos propres mouvements ».
Les traits contiennent des informations motrices impliquées dans leurs reproduction, cela suggère un llien très discret dans le système cognitif de l’observateur enre l’aspect visuel d’un trait, d’une trace et la façon dont ils ont été réalisés, ce qui implique pour l’artiste le travail de la gestuelle (rythme, écriture traces de son corps) et du regard rétinien (rythme, signes lumineux, les traits).
Le spectateur, par l’empathie, entre dans le tableau, en oubliant l’apparence, entre dans l’émotion et devient acteur et créateur grâce à l’artiste humain et authentique.

 Le travail de matière est recherche d’instauration de sens dans la forme ou recherche d’une forme donnant un sens nouveau. Il ne s’agit pas que d’accumulation de matière ou d’effets d’empâtements, le travail de matériage consiste à harmoniser en différents effets des textures obtenues souvent d’une façon aléatoire ou accidentelle. L’artiste sera confronté à une surface qui lui enverra une image abstraite avec un potentiel de sens.
Des deux imaginaires, imagination formelle qui part de la forme, qui part d’une idée (pensée) , et l’imaginaire matériel (activité sensualiste) qui trouve la source de ses créations dan l’intimité de la matière, nous travaillons pour développer la 2ième option grâce à l’entropie et la recherche des formes dans le fond.
Distinction entre le regard cognitif et rétinien :
Notre regard cognitif rend compréhensible ce que nous avons vu, il aime l’intelligible, la simplification, l’harmonie, le
décoratif.

Le regard rétinien ne capte que les vibrations lumineuses, c’est une vision fragmentée qui entretient notre mémoire
émotionnelle, sensible mais qui est habituellement doublé par le regard intelligible qui fabrique la vision.

Ce mouvement factuel animé par Jean-Yves Guionet (peintre) s’est placé sous la bannière philosophique du Sensualisme.

Le sensualisme est une philosophie influencée par l’empirisme, c’est la connaissance par les sensations par opposition avec le rationalisme cartésien. Le sensualisme affirme qu’il n’y a pas d’idées innées, sensations et
connaissances sont coextensives. Toute connaissance, toute réflexion tout acte d’imagination, n’est qu’une sensation mémorisée, modifiée, associée ou comparée à d’autres associations.

Notre pratique intensive a permis de mieux comprendre les nouveaux acquis des sciences cognitives. A leurs yeux, toute activité humaine est une expérience incarnée (ce qui est un défi aux anciennes visions de la conscience fondée sur la foi et la raison)

sujet
Le sujet n’est qu’un prétexte à la peinture. C’est pourquoi Guionet nous donne n’importe quel modèle (c’est du moins notre impression).
«Ne démarrez jamais sur le sujet, dit-il. Jamais jamais jamais. Ne regardez que la lumière, pas l’objet lui-même. »

tangente
Guionet dit : « n’attaquez jamais une toile perpendiculairement, allez-y en vous promenant, et prenez la tangente ».

temps
« II ne faut pas vous faire d’illusion dit Guionet, ce que vous copiez, ce n’est que le résidu d’une vision. »
II nous parle du tremblement du temps dans le déroulement d’une ligne.
Il nous fait gribouiller (en rythme, toujours) pendant dix minutes (que c’est long), pour que le temps vécu s’accumule dans l’espace de la feuille, et qu’on puisse ensuite le contempler.

tête de bois
Guionet est contre la modération, la demi-mesure et le compromis.
Une fois qu’une décision est prise il faut fermer ses oreilles aux meilleurs arguments contraires. Ilfaut faire triompher sa volonté jusqu ‘à la sottise. – Nietzsche,

traces
Le poète laisse des traces pas des preuves car seules les traces font rêver – René Char.
Dans le déroulement du cours de dessin, Guionet prévoit toujours une interruption pour qu’ensemble, on regarde les dessins posés sur sol. Il les enjambe, les manipule, les commente. Sur la plupart de mes feuilles, j’ai la trace de ses doigts noirs de fusain ou celle de la semelle de ses basquets.

vide
Guionet nous fait peindre le vide. Le vide des taoïstes, celui de Giacometti.
« Peindre le vide, c’est désintéresser le regard. Car le plein entraîne vers l’idée, le concept, tandis que le vide conduit à l’imagination, à la création de formes nouvelles ».

Une bonne peinture doit nous attirer par empathie et nous fasciner afin de nous mettre nous-mêmes spectateurs en état de sublimation, d’imagination et de création. Devant une peinture nous ne devons pas rester à a surface. Si nous ne prenons pas le temps de regarder, nous satisfaisons un plaisir de lèche-vitrine. Le formatage des regards a entraîné une banalisation de l’art. Les experts, savants, décisionnaires, critiques d’art n’ont pas de connaissance empirique de la peinture. Le monde de l’art n’a pas encore intégré les connaissances scientifiques sur la créativité comme celles que nous apportent les neurosciences dans la différenciation entre l’imagination formelle et l’imagination matérielle. Seuls les peintres rétiniens peuvent dans la pratique exploiter ces connaissances et apporter au public une autre vision de la créativité.

Les connaissances actuelles, notamment grâce aux neurosciences, nous permettent de mieux comprendre le processus de la créativité. Tout le monde sait apprécier le beau, l’harmonie, puisqu’ils s’adressent à la mémoire cognitive, à la connaissance et à la culture, mais le plus difficile pour une bonne œuvre d’art est de nous entraîner vers le sublime, ligne de tension entre la raison et l’émotion.
Le spectateur devient alors créatif. Créer, ce n’est pas se contenter de mettre en images une idée, une pensée issue de la mémoire consciente, du cognitif, mais c’est, au contraire, par intériorisation, par l’action présente, accéder à des territoires intimes.
La peinture, grâce à la manipulation de la matière,permet cette intériorisation. Une bonne peinture est vivante, le spectateur peut la redécouvrir tous les jours- L’artiste n’est pas celui qui propose une image de ses pensées, de ses sentiments. C’est le spectateur qui, devant un tableau, en faisant appel à sa mémoire émotionnelle, inconsciente, va se retrouver en situation de rêve éveillé en entrant en empathie avec les traces laissées par l’artiste et la gestuelle humaine. Il devient acteur imaginant et matérialisant son passé émotionnel en le « re-créant ».
« C’est le spectateur qui fait le tableau », disait Duchamp, mais à condition que l’artiste propose une œuvre réalisée dans des conditions de sensibilité et d’inconscience atteintes dans l’action, et non suite à des intentions perfectionnistes. Nous sommes tous sous la domination du regard intelligent, mais seule une longue pratique du regard rétinien peut nous apprendre à éviter lorsque nous peignons la domination imaginaire, conceptuelle ou formelle.

La peinture a besoin pour exister, de prendre corps c’est-à-dire de s’incarner dans une matière qui pense pour échapper a l’image idéale et virtuelle celle de la photographie ou de l’écran et de la peinture décorative et appliquée, pour exister vraiment sous le regard tactile et de l’empathie du spectateur.
La vision du peintre a besoin du corps pour se singulariser sinon pas de vision picturale mais des images, des photos bidouillées, violentes même qui ne sont que des images.Le peintre ne maîtrise ni le processus ni le résultat, il arrive que les toiles imposent leur rythme. » Beauge »

Empathie 2e
Il ne s’agit pas seulement d’imiter les gestes et les attitudes d’un autre mais de ressentir ses émotions comme s’il s’agissait des nôtres ; il contient l’idée d’entrer dans l’intimité psychique d’autrui entre l’autre et moi tout est d’abord affaire de mouvements d’émotions et de corps.
S. Tisseron

Empathie 3e
Privilégier les sensations sur la réflexion. L’empathie consiste alors à projeter dans l’objet contemplé des émotions et des sensations qui lui donnent son sens, mais ces projections ne s’effectuent pas par hasard, elles s’organisent autour de vécus corporels profonds que l’artiste et son spectateur sont censés partager, l’artiste les a vécu au moment de sa création et le spectateur les vit au moment de sa découverte de l’oeuvre.
Celle-ci parle à celui qui la regarde de par ses rythmes et ses formes qui sont autant de traces de gestes accomplis où ébauchés par l’artiste et c’est d’abord dans son corps que le spectateur éprouve cette continuité avant de tenter parfois parfois de l’expliquer avec des mots.
S. Tisseron.

Empathie
La capacité à produire une action sensible de percevoir cette même action lorsqu’elle est produite par un autre. Contrairement aux mots la main ne ment pas.
Définition de l’empathie par Serge Tisseron: la représentation visuelle des traits donne les informations du comment c’est fait, un trait n’est pas une forme statique, il y a un début et une fin, une direction, une vitesse, la pression de la main qui appuie plus ou moins sur la feuille, l’observateur les perçoit comme des actions produites ou aurait pu produire ; ce n’est pas le trait qui est gracieux, la forme qui est belle, mais le geste que l’on perçoit derrière lui.

Les règles du regard sont celles perçue par nos sens, la circulation de la lumière, l’intensité, les tentions des ombres et des nuances de dégradés, de tons et de valeurs.
Le regard cognitif et une anticipation cérébrale il faut au moins un dixième de seconde pour produire le modèle de ce que l’individu est en train de voir.
Un décalage qui montre que le cerveau compose avec d’anciennes informations ainsi pour voir l’action en direct il doit utiliser le futur et anticiper ce qui est sur le point de se produire.
Le regard pur et débarrassé des idées reçues, d’intentions et de trop de connaissance.
On ne verrai jamais la même chose quand l’œuvre est rétinienne

Une autre basée sur l’émotion : issue de la vision rétinienne qui donne accès à notre mémoire du vécu ou mémoire émotionnelle et sur l’imagination matérielle déclenchée lors de l’acte de peindre ou de dépeindre (entropie) dans certaines conditions comportementales.
Les connaissances actuelles, notamment grâce aux neurosciences, nous permettent de mieux comprendre le processus de la créativité. Tout le monde sait apprécier le beau, l’harmonie, puisqu’ils s’adressent à la mémoire cognitive, à la connaissance et à la culture, mais le plus difficile pour une bonne oeuvre d’art est de nous entraîner vers le sublime, ligne de tension entre la raison et l’émotion.
Le spectateur devient alors créatif. Créer, ce n’est pas se contenter de mettre en images une idée, une pensée issue de la mémoire consciente, du cognitif, mais c’est, au contraire, par intériorisation, par l’action présente, accéder à des territoires intimes.
La peinture, grâce à la manipulation de la matière, permet cette intériorisation. Une bonne peinture est vivante, le spectateur peut la redécouvrir tous les jours. L’artiste n’est pas celui qui propose une image de ses pensées, de ses sentiments. C’est le spectateur qui, devant un tableau, en faisant appel à sa mémoire émotionnelle, inconsciente, va se retrouver en situation de rêve éveillé en entrant en empathie avec les traces laissées par l’artiste et la gestuelle humaine. Il devient acteur imaginant et matérialisant son passé émotionnel en le « re-créant ». « C’est le spectateur qui fait le tableau », disait Duchamp, mais à condition que l’artiste propose une oeuvre réalisée dans des conditions de sensibilité et d’inconscience atteintes dans l’action, et non suite à des intentions perfectionnistes. Nous sommes tous sous la domination du regard intelligent, mais seule une longue pratique du regard rétinien peut nous apprendre à éviter lorsque nous peignons la domination imaginaire, conceptuelle ou formelle.
L’image finale d’une peinture peut être belle, intelligible, décorative, narrative, etc., mais la réalisation de l’art n’est pas issue d’idées, de la raison, mais du chaos, de l’abîme, du sans-fond auquel il donne forme. La forme, c’est le fond qui monte à la surface…

Nous sommes rentrés dans l’ère des discours.
Des discours de vérité, du moralisme et des injonctions au nom du réel, alors que l’art précisément, rendait possible la mise à distance du réel.

De même qu’un livre n’est pas seulement l’histoire qu’il raconte, un tableau n’est pas seulement l’image qu’il donne à voir mais la façon dont le peintre a utilisé la matière pour transcrire la vision.
L’émotion esthétique est un boulversement du corps ; il faut percevoir l’ampleur et les traces du pinceau sur un tableau.
Natasha Polony

Petit lexique guionesque 1

abstrait
Pour Guionet, sous l’abstrait, il y a toujours du concret. Ou bien l’inverse.

action
Seul celui qui agit comprend. René Char.
« Faire c’est voir », dit Guionet. « L’artiste ne sait ce qu’il veut faire qu’en le
faisant. Il faut faire ce que je vais voir et non pas voir ce que je vais faire. »
Bref en peinture, il faut mieux d’abord agir puis réfléchir.

chaos
Guionet est pour le chaos en permanence. « Il faut ne plus rien comprendre à
son travail. Il faut se fatiguer de sa violence. Le créateur doit pouvoir supporter
l’incertitude, car toute décision est provisoire ».
« Faites n’importe quoi », dit-il. « Mais pas n’importe comment ».

corps
« S’/’/ n’y a pas implication d’un corps, il n’y a pas activité artistique », assure
Guionet. « Ce que vous apprenez, il faut l’apprendre par corps. « 

désir
« Apprenons à désirer le désir ». Guionet se revendique épicurien.

espace
L’espace du peintre, c’est le monde ! Guionet peut nous exhorter à investir la
totalité de la feuille, ou à l’inverse nous demander de creuser l’espace par des
accumulations de lignes de plus en plus serrées. Planté devant le dessin d’un
élève, alors même qu’il n’en reste pas trace, il sent la traversée d’un geste.

gomme
La gomme est un outil de dessin, non un moyen d’effacer une erreur.
« Vous n’avez aucune faute à dissimuler », dit Guionet. « Assumez vos repentirs,
laissez les en évidence, et personne ne pourra vous les reprocher. « 

intuition
Dans un tableau, dans un dessin, on ne peut rien cacher à Guionet. Même
sous une couche de peinture.

mouvement
« La peinture contemporaine, c’est le corps, la danse, l’engagement de tout le
corps » dit Guionet. « La forme vivante est toujours en devenir, elle n’est jamais
statique ».
II ajoute en se moquant : « c’est en vous qu’il faut trouver le mouvement car
vous n’aurez pas toujours un arbre en train de courir dam le paysage »
Il parle du mouvement de la lumière, qui est rond, et du mouvement de l’homme,
qui est d’être debout et de se hisser sur la pointe des pieds pour atteindre les étoiles.

Petit lexique guionesque 2

perfection
Guionet dit qu’une toile doit toujours être inachevée, il doit rester quelque
chose à faire. Car ce qu’on achète, on le tue.
« La perfection c’est la mort ; le déséquilibre c’est le mouvement, c’est la vie ».
L’absolu ne peut tenir ses promesses.
Si tu travailles bien, ton travail sera bon. Si tu peins bien, ton tableau ne sera
pas forcément bon. Paul Rebeyrolle.

rêve
Peindre, c’est peindre son rêve.
C’est l’invisible qu’il faut découvrir.

risque
« Un artiste doit constamment être en échec », dit Guionet, pour nous rassurer.
Il nous force à faire le contraire de ce que l’on sait faire, de ce que l’on veut
faire.

rythme
C’est l’essentiel. Comme la pulsation du sang dans le corps. Pour Guionet,
tout déplacement dans un espace pictural doit impérativement se faire en rythme.

signe
Le signe est la trace d’un individu, pas une marque aléatoire, ni un symbole
universel.

sublime
L’artiste a le pouvoir de transformer le tragique en beau, dit Nietzsche.
« Il y a du boulot », répond Guionet.

sujet
Le sujet n’est qu’un prétexte à la peinture. C’est pourquoi Guionet nous donne
n’importe quel modèle (c’est du moins notre impression).
« Ne démarrez jamais sur le sujet, dit-il, jamais jamais jamais.
Ne regardez que la lumière, pas l’objet lui-même. »

tangente
« N’attaquez jamais une toile directement, perpendiculairement ; allez-y en
vous promenant, et prenez la tangente ».

temps
« Il ne faut pas vous faire d’illusion, dit Guionet, ce que vous copiez, ce n’est
que le résidu d’une vision. « 
II nous parle du tremblement du temps dans le déroulement d’une ligne.
Il nous fait gribouiller (en rythme, toujours) pendant dix minutes (que c’est
long), pour que le temps vécu s’accumule dans l’espace de la feuille,
et qu’on puisse ensuite le contempler.

tête de bois
Guionet est contre la modération, la demi-mesure et le compromis.
Une fois qu’une décision est prise, il faut fermer ses oreilles aux meilleurs
arguments contraires. Il faut faire triompher sa volonté jusqu’à la sottise.
Nietzsche.

traces
Le poète laisse des traces, pas des preuves, car seules les traces font rêver.
René Char.
Dans le déroulement du cours de dessin, Guionet prévoit toujours une
interruption pour qu’ensemble, on regarde les dessins posés au sol. Il les
enjambe, les manipule, les commente. Sur la plupart de mes feuilles, j’ai la
trace de ses doigts noirs de fusain ou celle de la semelle de ses basquets
.
vide
Guionet nous fait peindre le vide. Le vide des taoïstes, celui de Giacometti
« Peindre le vide, c’est désintéresser le regard. Car le plein entraîne vers l’idée,
le concept, tandis que le vide conduit à l’imagination, à la création de formes nouvelles ».

vie
Guionet dit que la création vient de ce que l’on a vécu, pas de ce que l’on sait
II ajoute qu’il ne pourrait pas peindre une femme, s’il n’en avait jamais tenu
une dans ses bras.

Extrait du livre « Entrer en peinture créative les gestes de l’émotion  »
Isabelle Ruscher Caillard et Jean-yves Guionet aux éditions Lelivredart